mardi 24 janvier 2017




A l’occasion du congrès de Posturologie  Parisien sur lequel nous serons présents à nouveau en ce mois de janvier 2017, voici une présentation de ce qu’est la Posturologie, discipline encore  méconnue, suivie de l’interview d’Emmanuel Baïs, l’un de ses représentants :


La posturologie clinique, véritable enseignement de neurophysiologie appliquée, apporte aux divers thérapeutes s’intéressant à l’homme debout, les bases fondamentales et cliniques de la régulation posturale. Dans l’intérêt des patients, la posturologie offre aux thérapeutes un langage, des tests cliniques communs d’analyse du tonus postural et la connaissance des différents traitements posturaux.

LES OBJECTIFS DE LA POSTUROLOGIE CLINIQUE
  •      Comprendre les mécanismes de la régulation de la stabilité posturale
  •      Examiner le tonus postural des patients par l’intermédiaire de tests validés
  •      Classifier les dysfonctions du patient (généralisées, latéralisées, localisées)
  •      Dissocier les entrées sensorielles (podale, stomatognathique, vestibulaire, visuelle) et sensitives (proprioception et viscéroception) de la sortie du système



HISTORIQUE

Dans les années 50,  Baron montre que de légères modifications proprioceptives entraînent des adaptations posturales et locomotrices majeures ; ces dernières générant un cortège de pathologies sont traitées par des stimulations posturales au niveau des organes sensoriels.
Suite aux travaux sur les réactions d’équilibration, Gagey développe la notion de Système Postural Fin (SPF), organise l’examen clinique postural et crée la Posturologie .
 Da Cunha décrit en 1979, le syndrome de déficience postural qui élargit le syndrome post-commotionnel en y incluant les troubles de l’axe corporel.
En 1985, Villeneuve et collaborateurs apportent les connaissances podologiques orientées vers la posture et enrichissent les perspectives cliniques (posturo-dynamique, épine irritative d’appui plantaire -zone nociceptive qui va perturber la posture-, chaînes neuromusculaires, etc...) et thérapeutiques (semelles de posture) en développant la Posturopodie.
En 1994, Marino et Villeneuve suite à des recherches cliniques créent la Posturodontie. Cette thérapeutique posturale utilise des réactions d’orientation, à point de départ stomatognatique notamment labial et lingual par l’intermédiaire de gouttières ou de subtils collages (alph) sur les faces vestibulaires ou linguales des dents.
En 1996, Lemaire et Villeneuve développent une véritable Thérapie Manuelle Informationnelle au service de l’homme debout : la Posturothérapie, à partir d’une synthèse entre les recherches fondamentales en neurosciences et les découvertes cliniques.

INTERVIEW d’Emmanuel Baïs, posturologue, podologue et ostéopathe ;  membre de l’API et du Comité d’Organisation des XXèmes Journées de Posturologie Clinique, qui se sont déroulées en ce début d’année 2013.


Myriam Kientz_ Tout d’abord un mot sur ce bel événement, auquel nous avons beaucoup apprécié participer. Beaucoup ont répondu présents afin d’assister aux conférences dans l’amphithéâtre de la Faculté de Médecine. Quels retours avez-vous eu ?

Emmanuel Baïs_ Cette vingtième édition est un vrai succès et elle est marquée par l’ouverture de plus en plus effective à l’international. Après la Belgique l’année dernière, ce sera le Brésil qui organisera les prochaines journées de posturologie. Grâce aux efforts constants de Philippe Villeneuve et de l’API (association de posturologie internationale) ce congrès est l’occasion d’une vraie synergie entre les scientifiques qui font avancer les connaissances fondamentales et les cliniciens qui, par leur nécessité de répondre aux problèmes posés par les patients, défrichent de nouvelles voies.
Le vrai succès de ces journées est de pouvoir réunir ces deux mondes parfois opposés.
J’en profite pour vous remercier ainsi que toute l’équipe du laboratoire Qenoa pour votre fidèle partenariat.


Myriam_ C’était un plaisir pour nous d’être présents, en retour merci pour votre accueil ! Cet événement fut  riche aussi bien professionnellement qu’humainement. Quand on lit la description théorique de la posturologie cela semble un peu compliqué, pouvez-vous, avec nos mots, nous dire comment vous appréhendez cette discipline ?

Emmanuel_ Je vais tenter d’éclaircir la question.
En préambule intéressons-nous aux concepts de posture et de posturologie car ils sont souvent confondus. La posture fait référence à la position, à la manière dont on se tient, alors que la posturologie s’intéresse à la régulation de cette posture. Souvent quand les gens apprennent que je suis posturologue, ils me demandent tout de suite « est-ce que je me tiens bien ? » …  or le fait de bien se tenir est la conséquence d’une bonne régulation. On peut dire que c’est la partie émergée de l’iceberg : la posture est le reflet de sa régulation. L’action du posturologue se place donc en amont, on essaye de moduler les informations pour redonner au système ses capacités d’adaptation.
Pour être encore plus clair, prenons un exemple concret : quand quelqu’un ne se tient pas droit (surtout s’il s’agit d’un enfant) on ne manque pas de lui dire « redresses-toi ». Il le fait donc. Mais … pour combien de temps ?
En général, pas longtemps car pour cela il doit utiliser la volonté, ce qui met en action les muscles qui sont faits pour le mouvement. Le problème c’est que ces muscles fatiguent vite. Alors que les muscles de la posture sont plutôt à commande automatique et que leur efficacité dépend du bon traitement des informations données par les capteurs liés à l’équilibre (la peau du pied, la bouche, l’oreille interne et l’œil). Ces capteurs peuvent être perturbés par des parasites tels que des mauvaises positions articulaires, des irritations viscérales, des troubles émotionnels…
La posturologie apporte aux praticiens de différentes spécialités un bilan et un langage communs facilitant la pluridisciplinarité, et leur permet de mieux utiliser les outils dont ils disposent (semelles, thérapie manuelle, lunettes avec prismes…).
Donc en résumé, le posturologue agit, grâce à ses connaissances sur le fonctionnement de l’homme en tant que système biologique, sur les troubles de la stabilité et les douleurs qui en résultent. La posturologie est une méthode de traitement, une vraie pratique de prévention de ces troubles et également d’optimisation de toutes les pratiques corporelles. Ces connaissances neurophysiologiques aident aussi à mieux comprendre les mécanismes d’apprentissage, ce qui permet de les optimiser, et sont donc un atout pour l’enseignement et la pédagogie.



Myriam_ J’imagine que le pied dans la posturologie a une importance de premier ordre ?

Emmanuel_ Je vous remercie de le dire ! En effet c’est la seule partie en contact avec l’environnement. Sans rentrer dans les détails, lorsque l’on parle d’équilibre, on pense tout de suite « oreille interne », or pour être plus proche de la réalité on devrait dire que l’oreille interne nous empêche de tomber et gère plutôt l’équilibre de la tête qui doit être stable pour que notre regard reste horizontal.  Mais l’équilibre fin (déplacement de l’axe corporel inférieur à 4°) est lui dépendant des informations provenant du pied, ainsi la régulation se fait de manière économique et permet grâce à des mouvements infimes des orteils de stabiliser l’ensemble du corps, donc la tête, et ainsi ne stimule pas l’oreille interne. Par exemple quand vous tendez le bras pour ouvrir une porte le premier muscle à se mettre en action se situe au niveau du pied, bien avant ceux du bras, et heureusement car sinon l’on vacillerait sous le poids de ce bras.
Cela permet de comprendre l’importance des semelles dans le traitement postural.




Myriam_ Vous êtes un danseur passionné de tango ; cela fait 5 ans que vous « fréquentez les bals » et vous aimeriez, dans un avenir proche, passer à l’enseignement … c’est exact ?

Emmanuel_ Effectivement l’envie de transmettre est une passion, le tango est d’une telle richesse qu’on ne peut qu’y succomber. Comme je vous l’ai dit précédemment, la posturologie apporte des connaissances précieuses pour la pédagogie. J’ai, avant d’enseigner la posturologie, pratiqué des arts martiaux et enseigné la danse de couple pendant 10 ans. Ce parcours me pousse naturellement à une application dans le tango qui, pour permettre une bonne relation avec l’autre, nécessite une parfaite stabilité de chacun.


Myriam_ En effet, la posture en danse tango est un paramètre important … on a toujours l’image en tête de danseurs bien droits  … !

Emmanuel_ Votre question me permet à nouveau d’illustrer le lien de hiérarchie entre la posturologie et la posture. Je rappelle que la posture est la conséquence d’une bonne régulation, un enseignant de tango disait d’ailleurs : « la bonne posture ne se voit pas ». C’est la stabilité qui permet d’avoir une posture droite et non raide. J’expliquerais les choses ainsi : quand on cherche à imiter la bonne posture on fait, je le rappelle, intervenir les muscles volontaires qui rendent la position rigide, alors que la « bonne » posture est le résultat d’une bonne stabilité, ainsi la position devient naturelle et ne choque pas, « ne se voit pas ». Un exemple d’application pratique de la posturologie dans l’apprentissage du tango (ou autre discipline corporelle). Il est important lorsque l’enseignant explique un mouvement de rester debout et en posture active car sinon on se débranche de son schéma corporel et on assimile moins bien. C’est aussi pour cela que, quand je suis enseignant, j’évite d’expliquer  trop longtemps sans mettre les élèves en action. Ce n’est pas toujours facile car quand l’on transmet on a envie de prendre le temps d’expliquer pour que les mouvements soit le plus juste possible, mais l’expérience montre qu’il est plus efficace de passer par le corps que par la tête.


Myriam_ Vous qui êtes posturologue et podologue, peut-on concrètement affirmer qu’il y a un lien entre pieds et posture ?  Disons,  est ce que des « problèmes » au niveau des pieds (cambrure excessive, pieds plats, etc.) entraînent automatiquement des conséquences sur la posture ?  La réponse coule un peu de source, il est vrai … 

Emmanuel_ Et bien justement, non, ça ne coule pas de source … tout comme l’eau d’ailleurs ;)
On peut traiter la posture avec des semelles sans qu’il y ait pour autant de troubles du pied lui-même, car on agit sur le pied en tant que capteur. De plus, il peut y avoir un trouble morphologique du pied sans retentissement majeur sur la posture, ou bien ils peuvent être associés. Pour dire les choses rapidement, l’action du podologue-posturologue peut être indiquée qu’il y ait ou non de pathologie podale car l’action sur un capteur retentit sur l’ensemble du système.

Myriam_ Enfin, dernière question : Avez-vous tendance à vous focaliser sur la posture des gens lors des « bals » de tango, ou faites-vous l’effort de lâcher-prise sur votre pratique de posturologue  afin de mieux profiter de la danse?

Emmanuel_ Je ne fais aucun effort de lâcher-prise car la posture étant une conséquence, elle ne mérite pas la focalisation. Par contre le plaisir pris et donné au partenaire mérite lui toute l’énergie possible ...


 Myriam_ Un grand merci, Emmanuel,  pour cet échange. Et à bientôt pour la prochaine édition des Journées de Posturologie, en 2014 plutôt deux fois qu'une ! France et Brésil, pourquoi pas ...